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PAPIER DE FOU.

en bon et fidèle gentilhomme ; j’ai veillé sur vous, comme sur le trésor de ma maison. Une seule personne au monde savait que j’étais riche : une seule, que je vous avais recueillis chez moi.

Don Alvar. — Et cette personne…

Don Manrique. — Cette personne est la plus tendre, la plus loyale et la plus candide des femmes, celle que je devais épouser, une âme pure et droite comme il n’en fut jamais.

Don Alvar. — Et par elle nous allons périr.

Don Fernand. — Par elle, nous sommes livrés à nos bourreaux.

Don Alvar. — Son innocence même et sa simplicité nous ont perdus.

Don Fernand. — Sa loyauté nous coûte la vie.

Don Alvar. — Fiez-vous donc à la candeur d’une femme.

Don Fernand. — Celles-là qui ne vous trompent pas à dessein, vous trahissent sans le vouloir.

Don Alvar. — Dans un cœur de boue, nos secrets sont à la merci des serpents.

Don Fernand. — Dans une âme de cristal sans tache, ils sont à la merci des espions.

Don Luis, paraissant au fond du cachot. — Sans doute, sans doute ; mais pourquoi tant de belles métaphores ? Dites plutôt avec le proverbe :


Muraille blanche, papier de fou.


Et maintenant, Seigneurs, debout, s’il vous plaît !