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AIGRIT GRAND’PATE.

donner une leçon, et le manant sera bien surpris si jamais il sait quelles mains ont touché sa lardoire.

Sur quoi, sans plus tarder, l’inconnu s’approcha du foyer, repoussa du coude l’inexpérimenté cuisinier, et avec une dextérité remarquable remania son travail incomplet. Sir Foulk, sir Thomas et l’hôte lui-même contemplaient cette scène avec un étonnement qui la rendait encore plus piquante.

Au plus vif de sa besogne, ce manipulateur impromptu fut dérangé par l’arrivée d’un nouveau témoin. Ce n’était rien moins qu’une Bohémienne errante, une Zingara, de quinze à seize ans au plus. Si jeune qu’elle fût, on voyait à son teint bruni, et surtout à son costume oriental, qu’elle n’avait pas quitté depuis longtemps la région brûlante où les rayons du soleil avaient doré son cou, ses épaules et ses mains.

— Au diable l’Égyptienne ! — s’écria le maître queux en fonctions, — vous voilà tous à la regarder comme une merveille, et ma leçon sera perdue si elle reste.

Il croyait sans doute que ces dures paroles ne seraient pas entendues de la jeune fille ; mais elle s’avança vers lui d’un air moins intimidé qu’on ne l’eût pu croire, et dans la même langue dont il s’était servi :

— Un brave d’Angleterre, — lui dit-elle, — n’empêchera pas sans doute une pauvre fille de gagner sa vie.

À ces mots, le voyageur parut plus contrarié que jamais.

— Qui es-tu ? — demanda-t-il rudement à l’Égyptienne ; — d’où es-tu ? que nous veux-tu ? Va-t’en !

Ces interpellations furent faites d’une voix terrible, et