Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

probité d’Aristide… Allons, soyons francs… Nous n’en dirons rien mais le livre est manqué… Les auteurs, gens d’esprit, prendront leur revanche… Embrassons-nous et qu’il n’en soit plus question… si ce n’est pour les accabler d’éloges…

Ce flux de paroles dédaigneuses ne m’avait pas laissé le temps de placer un seul mot. Tout à coup, vers la fin de la désobligeante apostrophe, il me vint une idée lumineuse : je tirai de ma poche la critique dont j’ai parlé ; puis, sans autre explication, je la plaçai sous les yeux de l’aristarque.

Dès les premières lignes, son visage changea d’expression : sa bouche souriait encore, il est vrai ; mais son regard démentait ce sourire sardonique, et, bien que décochés par une main malveillante, tous les traits de cette boutade injuste arrivaient droit à leur but. Il avait commencé par saluer d’un bravo désintéressé les épigrammes les plus mordantes, les plus amères attaques : mais peu à peu ce faux sang-froid disparut, et fut remplacé par un dépit plus sincère. Mon homme balbutia quelques plaintes inintelligibles contre l’injustice des hommes, la malveillance de parti pris, etc… mais s’apercevant qu’il frisait le ridicule :

— N’en parlons plus, s’écria-t-il, et revenons à vos Proverbes. Je vous promets de les lire…

— Vous ne les avez donc pas lus ?

— Non vraiment. Cela vous étonne ?

— Votre opinion si bien arrêtée me faisait croire…

— Ah bah !… Propos en l’air. Pures fadaises. N’y faites pas attention.

Bref, l’aristarque se montra tout à coup plus modeste et