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DEUX MOINEAUX SUR MÊME ÉPI

partie jadis du jardin d’Eden, et qu’il n’y avait pas d’autre fleuve que l’Euphrate. Les discours de l’étourneau le remplirent d’étonnement ; les récits qu’il faisait des différentes contrées où habitent tant de races diverses, son langage pittoresque, les histoires merveilleuses qu’il racontait sur les mœurs, les goûts, les usages, les guerres, les amours de mille espèces d’oiseaux, inspirèrent au chardonneret le désir de retenir dans sa patrie de si gentils savants.

Il communiqua son projet à la tribu ; on discuta. Les vieux hochèrent la tête ; les jeunes crièrent à plein bec que les étourneaux donneraient à leurs enfants l’éducation qui leur manquait ; que ce serait pour tout le monde une grande joie d’entendre l’odyssée de leurs voyages pendant les longues soirées d’hiver ; que ceux qui ont beaucoup vu peuvent avoir beaucoup retenu, et que, par conséquent, la présence des illustres voyageurs assurerait la prépondérance des chardonnerets sur les pinçons, linots, mésanges et grives du voisinage. Cet avis prévalut, et on envoya une ambassade aux étourneaux pour les prier de s’arrêter aux bords de l’Euphrate.

Les étourneaux, étant quelque peu las, acceptèrent et se mirent en disposition de déménager du bois.

Cependant, quelques chardonnerets inquiets se rendirent chez une vieille pie qui avait bâti son nid dans un antique noyer.

Cette pie, qui datait du temps où les anges se promenaient sur la terre, passait pour sorcière dans le pays ; tous les oiseaux venaient la consulter, et ses prophéties n’étaient jamais démenties par l’événement. La pie s’assit à l’entrée de son nid, les deux pattes appuyées sur une béquille