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CHAT GANTÉ

et Olivarès ; et quelle modestie dans ses prétentions ! son portefeuille, c’est une paire de bottes.

L’histoire a été bien injuste et bien froide envers le Chat Botté. Perrault, son historien, n’a pas même introduit son portrait dans ses hommes illustres. Ce même Perrault, qui a reçu de la main de Nicolas Boileau tant de coups de griffes, termine ainsi l’histoire de cet idéal des chats : « Le chat devint grand seigneur, et ne courut plus après les souris que pour se divertir. » Un si grand chat méritait mieux que cette insuffisante conclusion. Quoi ! après qu’il a fait du fils du meunier un prince souverain, qu’il lui a constitué un marquisat avec tous les prés, champs, castels et bourgades qu’il rencontre sur sa route, y compris les gardes-champêtres ; après enfin que son maître est devenu le gendre du roi, deux lignes seulement sur la biographie future de cet immortel quadrupède ! Est-ce ainsi, je vous le demande, qu’on écourte l’histoire ? Ce Perrault mériterait d’être traité comme le fut Racine à l’époque d’Hernani.

Cependant, à force de fureter au milieu des souricières de la Bibliothèque du Roi, nous avons fini par arracher aux rats de la section des manuscrits quelques renseignements relatifs au Chat Botté.

Il est certain qu’il florit dans la seconde moitié du xviie siècle. Son maître, qui lui devait tant, l’avait comblé de biens ; et, quoiqu’à la cour de Louis XIV on n’aimât guère les bêtes, le roi l’y voyait toujours venir d’un bon œil. Il donnait lui-même des ordres pour qu’un Vatel (moins le suicide) préparât au maître chat un repas composé des plus délicieuses souris parmi celles qui commençaient dès lors à trotter dans les salles basses du château de Ver-