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Page:Grave - Enseignement bourgeois et enseignement libertaire, 1900.pdf/11

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de points, et loin de me moquer des deux types créés par le romancier, je garde mon mépris pour ceux qui se targuent des quelques bribes de savoir qu’ils doivent à leur situation privilégiée pour se moquer de ceux qui font tous leurs efforts pour sortir de l’ignorance où voudrait les condamner notre état social.

Pendant longtemps, — encore aujourd’hui — on a cru que l’homme était un animal fantasque, capricieux, fainéant, qui n’accomplissait rien rationnellement, n’agissant que sous la pression du châtiment ou l’appât de la récompense, et qu’il fallait, de bonne heure, plier à la discipline, habituer à la coercition.

Les économistes, gens très savants, — ce sont eux qui l’affirment — en ont fait un aphorisme pour justifier l’état social actuel : « L’homme, disent-ils, recherche le plaisir et fuit la douleur. » La Palisse n’aurait pas mieux trouvé.

Seulement, ajoutent-ils : « Consommer étant un plaisir, produire étant une peine, l’homme livré à lui-même voudrait toujours consommer sans jamais produire. Il faut donc tout donner aux uns, ne rien laisser aux autres ; de cette façon il y en aura toujours un certain nombre qui seront bien forcés de travailler.

Mais l’axiome des économistes n’est vrai qu’à moitié.

Que l’individu se tourne du côté du moindre effort, cela est tout naturel. Forcer les autres à travailler à votre profit, à la brute ignorante, alors que toutes ses facultés étaient tendues vers la conquête de sa pâture, pouvait sembler une solution très désirable, et l’on ne s’est pas fait faute de l’appliquer ; cela a pu même durer sans grands efforts tant que les gens ont été assez bêtes pour se plier à cette solution.

Seulement, chaque chose a ses inconvénients, chaque action appelle sa réaction. Le travail qui devrait être un plaisir, une gymnastique pour vos muscles, un aliment à votre activité, par ce fait que quelques-uns sont forcés de produire pour tous est devenu, au contraire, une véritable peine, entraînant une souffrance d’autant plus grande qu’il vous était imposé, non pas