Page:Grave - L’Anarchie, son but, ses moyens.djvu/70

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l’esprit, en leur démontrant l’efficacité de l’action continue pour la reconquête d’eux-mêmes ; au lieu de leur expliquer d’une façon nette et précise, les causes de la misère et de la tyrannie, ils se posent en providence, et s’acharnent à les traiter en bétail gouvernemental ; à les amuser avec des promesses, avec des espérances sur un Deus ex machina du suffrage universel venant, sans qu’ils aient à se déranger, leur apporter le bien-être et l’émancipation.

On leur fait entrevoir l’omnipotence d’une majorité parlementaire qui, en fait, ne peut être elle-même que l’expression moyenne, inférieure par conséquent, de l’intelligence de ces mêmes électeurs, déjà trouvés trop ignorants pour s’affranchir d’eux-mêmes.

En les retenant à ces amusettes c’est absolument comme si, voulant apprendre à marcher à quelqu’un qui n’a jamais su faire aller ses jambes, on lui enseignait qu’il faut qu’il se garde de les remuer, et doit déléguer quelqu’un à sa place pour y essayer.

Et ils se proclament révolutionnaires !

Mais quelle révolution espèrent-ils faire avec des éléments qui ne sauraient qu’obéir ?

Convaincus que l’on ne saurait affranchir des hommes assez peu amoureux de leur liberté pour ne pas savoir la conquérir d’eux-mêmes, les anarchistes trouvent que la véritable utopie est de croire qu’un moyen d’asservissement, comme est l’autorité, puisse servir à l’affranchissement. Il n’y a que dans la fable où l’on voit l’arme guérir la blessure qu’elle a faite.