Page:Grave - La Grande Famille.djvu/54

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teau et les glapissements de Bouzillon qui s’agitait dans l’orbe de son supérieur.

Dans l’exécution d’une volte-face, le pied de Caragut vint à broncher sur une pierre. La torsion du nerf, le fit plier un genou en terre. Losteau se précipita sur lui, le poing en avant.

— Brute ! cochon ! saligaud ! vous êtes déjà saoul, ce matin, que vous ne tenez pas sur vos quilles ! Je vais vous apprendre à vous tenir, moi ; c’est avec une trique qu’il faut vous mener ! et le poing s’éleva pour frapper.

Caragut qui s’était relevé aussitôt à terre, voyant Losteau fondre sur lui, eut la folle tentation de lui passer sa baïonnette au travers du corps, mais un sentiment instinctif l’arrêta net.

Le visage pâle — le sang lui ayant reflué au cœur — il planta ses yeux droit dans les yeux du galonné, pendant que sa main serrait son fusil et qu’il faisait le geste de tomber en garde.

Ce geste eut la durée d’un éclair pendant lequel une flamme rouge lui brûla le regard ; la face convulsée d’une résolution implacable refléta sans doute ce qui se passait en lui, car Losteau s’arrêta comme frappé de stupeur, son poing retomba sans frapper, l’insulte commencée resta dans le gosier sans s’achever. Un frisson de terreur avait couru dans le groupe.