Page:Grave - La Grande Famille.djvu/78

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police n’aurait pas été assez grande, les trois quarts du bataillon auraient été punis.

Une fois le silence rétabli et les faisceaux formés : En place ! repos ! commandèrent les officiers. Puis enfin, l’ordre fut donné de rompre les rangs, mais sans s’éloigner, la halte n’étant que de dix minutes.

Quelques marchandes portant des provisions, qui depuis le matin n’avaient pas lâché la colonne, s’approchèrent pour débiter leurs victuailles : pain, saucisson, eau-de-vie, vin ou lait. Le commandant, qui redoutait sans doute, la concurrence pour la cantine donna ordre de les chasser. Mais en se faufilant derrière les rangs, elles ne tardèrent pas à écouler leur marchandise. Ceux qui n’avaient pas le sou continuaient à regarder les chançards d’un œil d’envie, la gorge sèche, échauffés par la marche.

Dans le métier militaire, dans cette « grande famille », comme disent les thuriféraires de l’armée, on est loin d’être « frères ». Celui qui a de l’argent devient camarade de celui qui peut en avoir aussi. « As-tu deux sous, nous irons boire la goutte ? » Voilà les invitations que l’on entend, c’est comme cela que l’on « fade » avec son copain, mais en dehors de l’association de ceux qui ont, il n’y a plus d’amis.