Page:Grave - La Grande Famille.djvu/99

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exécuteurs sur les cadavres de ceux qu’ils venaient d’assassiner. Il vit les corps morts dans les rues repoussés à coups de pieds par la soldatesque ivre d’alcool et de carnage ; jamais, il n’avait tant vu de chaînes de montre s’étaler sur la tunique des soldats, il en comprit la signification quand on lui eut raconté deux ou trois histoires d’exécution, où les fusilleurs s’étaient précipités sur leur victime, aussitôt le fusil déchargé pour s’emparer de ce que contenait ses poches.

De ce moment, la haine du militarisme s’ancra dans son cerveau en même temps que l’esprit d’indépendance se développait en lui, malgré l’incurable timidité qu’il devait à son éducation ; il eut la discipline, l’obéissance et l’oppression en horreur.

Ce sentiment s’accrut tellement chez lui que tout son être se révoltait rien qu’au ton bref et cassant de son père, tandis que sa mère lui faisait faire tout ce qu’elle voulait, parce qu’elle lui parlait plus doucement.

Entre temps, la lecture était sa seule distraction. Dès l’âge de dix ans, il dévorait tous les livres qui lui tombaient sous la main : journaux, romans, science, histoire, dictionnaires, tout lui était bon, sauf la philosophie à laquelle il ne pouvait mordre.

Ces lectures s’amassaient en désordre dans son cerveau. La soif de connaître le poussant toujours