Page:Grave - La Société future.djvu/114

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mettre en branle tout un formidable appareil de répression qui doit broyer les imprudents assez outrecuidants pour l’attaquer.

Les révolutions passées qui, toutes, ont tourné contre leur but, et ont laissé le travailleur toujours aussi misérable que devant, n’ont pas peu contribué à le rendre sceptique à l’égard d’une révolution nouvelle. — « À quoi bon aller se battre et aller se faire casser la figure » se dit-il, « pour qu’une bande de nouveaux intrigants m’exploite au lieu et place de ceux qui sont actuellement au pouvoir… Je serais bien bête ! »

Et, tout en geignant sur sa misère, tout en murmurant contre les hâbleurs qui l’ont trompé par des promesses dont la réalisation est toujours ajournée, il se bouche les oreilles contre les faits qui lui crient la nécessité d’une action virile ; il ferme les yeux pour ne pas avoir à envisager l’éventualité de la lutte qui se prépare, qu’au fond, il sait inévitable, qu’il réclame hautement en ses jours de deuil et de colère.

Il se terre dans son effroi de l’inconnu, se refusant à reconnaître que la misère qui frappe autour de lui l’atteindra demain et l’enverra, lui et les siens, grossir le tas des affamés qui vivent de la charité publique.

Un changement lui paraît inévitable, malgré tout ; il ne peut croire qu’il vivra toujours dans la misère, ce n’est pas possible que l’injustice soit éternelle. Il viendra un temps, il ose l’espérer, où chacun mangera à sa faim, où l’on marchera hardiment, la tête levée, n’ayant rien à craindre de personne. Mais il espère en des à-coups providentiels qui lui éviteront de descendre dans la rue ; dans ses rêves, il voit la situation se dénouant d’elle-même, des sauveurs inconnus lui