Page:Grave - La Société future.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelle ils s’appuient, est un fantôme de leur imagination dont ils se servent pour Justifier leur exploitation, que c’est leur propre organisation qui la crée, afin de mieux courber le travailleur sous leur domination, sachant que celui-ci n’y resterait pas longtemps du jour où il ne serait plus tenu au ventre, où il n’aurait plus à trembler pour l’existence des siens.

Quand même la « lutte pour l’existence » serait-elle entrée, pour une part quelconque dans les facteurs du progrès de l’évolution humaine, il est faux qu’elle seule suffise à l’expliquer ; ce n’est qu’en torturant les faits, qu’on arrive à justifier les prétentions de l’ambition et de la cupidité ; la science et l’histoire s’accordent pour nier cette suprématie que prétendent s’arroger certaines races, certaines classes et certains individus, fussent-ils appuyés sur la Force et sur le Nombre.

La religion commençant à baisser dans la croyance des masses, les bourgeois ont cherché sur quoi ils pourraient bien étayer leur domination. S’ils pouvaient arriver à faire consacrer leur régime par la science, prouver aux travailleurs que leur situation est la conséquence fatale d’un ordre de choses naturel, aussi logique que la loi de gravitation, ou qu’une équation mathématique, cela serait parfait. Aussi, se sont-ils jetés sur la « lutte pour l’existence » qui venait, il leur semblait du moins, apporter cette justification, à leur propre conscience.

« La lutte, » disent-ils, « en forçant les individus à s’ingénier pour trouver leurs moyens de subsistance, leur a fait développer leurs facultés ; la concurrence individuelle les force à tenir ces facultés en éveil, ce