Page:Grave - La Société future.djvu/40

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Lorsque les premiers êtres organisés, après une suite ininterrompue de transformations et d’adaptations successives, parurent sur la terre, il est bien évident qu’entre tous ces organismes sans raisonnement, sans intelligence, poussés par les seuls besoins de vivre et de se reproduire, ce dut être une guerre incessante et sans pitié pour les vaincus.

Mais là, encore, ce ne fut pas la « lutte pour l’existence » des économistes. Les espèces se font bien la guerre entre elles, mais non entre individus de la même espèce : le végétal use le minéral, l’animal herbivore mange le végétal, l’animal carnivore mange l’herbivore ou d’autres carnivores d’espèces plus faibles, différentes de la sienne, par conséquent.

Il faut une catastrophe imprévue, des circonstances exceptionnelles, mettant l’animal dans l’impossibilité de rechercher sa nourriture ordinaire, soit par l’émigration, soit en changeant ses procédés de chasse, pour qu’il s’attaque non seulement aux individus de son espèce, mais même aux espèces alliées de la sienne. R. Wallace, dans son Darwinisme, démontre, pp. 146-148, que les espèces les plus rapprochées, habitent des territoires distincts, fort éloignés, ce qui prouverait qu’au lieu de lutte entre elles, les espèces détachées les unes des autres ont préféré se séparer, et émigrer pour chercher leur nourriture que de lutter entre elles.

Il suffit de parcourir un traité d’histoire naturelle pour s’assurer que la lutte entre individus de la même espèce n’est que l’infime exception, tandis que l’association pour la lutte — attaque ou défense — l’aide mutuelle, la solidarité, en un mot, sont la règle générale. Elle est pratiquée non seulement entre indivi-