Page:Grave - La Société future.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publique, c’est-à-dire les bases les plus solides de la vraie prospérité des États et de l’ennaoblissement de l’homme, sont négligées et sacrifiées de la manière la plus lamentable. Et cela se passe ainsi chez des peuples qui se prétendent les représentants les plus distingués de la plus haute culture intellectuelle, qui se croient à la tête de la civilisation ! On sait que, pour grossir le plus possible les armées permanentes, on choisit par une rigoureuse conscription tous les jeunes hommes sains et robustes. Plus un jeune homme est vigoureux, bien portant, normalement constitué, plus il a de chances d’être tué par les fusils à aiguille, les canons rayés et autres engins civilisateurs de la même espèce. Au contraire, tous les jeunes gens malades, débiles, affectés de vices corporels, sont dédaignés par la sélection militaire ; ils restent chez eux en temps de guerre, se marient et se reproduisent. Plus un jeune homme est infirme, faible, étiolé, plus il a de chances d’échapper au recrutement et de fonder une famille. Tandis que la fleur de la jeunesse perd son sang et sa vie sur les champs de bataille, le rebut dédaigné, bénéficiant de son incapacité, peut se reproduire et transmettre à ses descendants toutes ses faiblesses et toutes ses infirmités. Mais, en vertu des lois qui régissent l’hérédité, il résulte nécessairement de cette manière de procéder que les débilités corporelles et les débilités intellectuelles qui en sont inséparables doivent non seulement se multiplier, mais encore s’aggraver. Par ce genre de sélection artificielle et par d’autres encore s’explique suffisamment le fait navrant, mais réel, que, dans nos États civilisés, la faiblesse de corps et de caractère sont en voie d’accroissement et que l’al-