moins innocentes. Pour faire taire notre pitié, nous n’aurons qu’à penser aux milliers de victimes que dévore journellement le minotaure social actuel au profit de la bourgeoisie ventripotente. Et s’il y a des bourgeois qui finissent accrochés à quelque bec de gaz, assommés à quelque coin de rue, noyés dans quelque rivière, ils ne récolteront que ce que leur classe aura semé. Tant pis pour eux ! Qui n’est pas avec la foule est contre elle.
Pour nous, travailleurs, la situation est nette : d’un côté — le présent — la société actuelle, avec son cortège de misère, d’incertitude du lendemain, de privations et de souffrances, sans espérance d’amélioration ; une société où nous étouffons, où notre cerveau s’étiole, où nous devons refouler au plus profond de notre être tous nos sentiments du beau, du bon, de justice et d’amour ; de l’autre — l’avenir — un idéal de liberté, de bonheur, jouissances intellectuelles et physiques, — le complet épanouissement de notre individu ! — Notre choix est fait. Quoi qu’il en soit de la révolution future, quoi qu’il nous arrive, ce ne sera pas pire, pour nous, que la situation actuelle. Nous n’avons rien à perdre dans un changement ; tout à gagner, au contraire. La société nous entrave ; eh bien ! culbutons-la. Tant pis pour ceux qui se trouveront écrasés par sa chute ; c’est qu’ils auront voulu se mettre à l’abri de ses murs, se raccrocher à ses étais vermoulus. Ils n’ont qu’à se mettre du côté des démolisseurs.