Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/115

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la guerre. Que voulez-vous ? On attaque la Société : la Société se défend, c’est bien son droit ! »

Plus tard, dans une interview, Zola disait :

— Je ne voulais pas, en donnant mon nom, avoir l’air d’approuver une telle déclaration. Le volume de Jean Grave est une œuvre de propagande, il a agi en soldat qui se bat pour une cause, il a été vaincu, il subit les conséquences de sa défaite. D’ailleurs, quels hommes est-on allé voir ? Je veux bien que ceux dont on a donné les noms aient beaucoup de talent. Mais que sont-ils ? Quelle est leur situation ? Si on excepte Richepin et Mirbeau, ne sont-ils pas encore en marge, pourrait-on dire ?

Où Zola avait raison, c’est lorsqu’il disait que, donnant des coups, je devais m’attendre à en recevoir. C’est aussi mon opinion. Et je pense qu’il est ridicule, lorsqu’il s’agit de « faits », de récriminer contre la condamnation qui frappe celui qui agit, comme le font certains camarades, quelques sympathies qu’on ait pour l’homme et son acte.

Mais où Zola avait tort, c’était de nier que ma condamnation pour avoir écrit La Société mourante, intéressât la liberté de penser. « Je n’étais pas un écrivain », c’était une opinion que Zola était bien libre d’avoir et d’exprimer, mais mon livre était bien un livre, si mal écrit pût-il être, quelle que fût l’opinion de Zola à mon sujet. Et puis, il est une autre chose qu’il oubliait : Ce n’était pas moi qui protestait contre ma condamnation et qui demandait une faveur. À ce moment, j’étais à Mazas, au secret, en prévention pour le procès des Trente, et je n’appris la démarche que beaucoup plus tard. Ce n’étaient même pas des coreligionnaires, mais des écrivains qui protestaient contre un procès de tendance, et qui, quel que fût le dédain de Zola à leur égard, étaient bien des écrivains et dont certains le valaient certes.

La campagne au sujet de la Société des Gens de Lettres obscurcissait son jugement, j’aime à croire.

Plus tard, l’affaire Dreyfus nous rapprocha. Invité à aller le voir, je me rendis chez lui. Mais ça « c’est une autre histoire » que j’aurai à raconter plus loin.