Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faisait le service de la Révolte pour les libraires de Paris, — voulant se mettre à l’abri de ladite loi, me fit signer un engagement par lequel j’étais censé lui louer un de ses guichets. Je devais être présent à la distribution du journal aux porteurs.

Mercier et moi, pour être à l’heure, — la distribution commençait vers les deux ou trois heures du matin — nous nous rendions aux environs du Croissant, passant la soirée à prendre du café jusqu’à la fermeture des établissements, et rentrions le matin crevés de fatigue, après avoir fait acte de présence à la distribution aux porteurs.

Mercier était un drôle de type. Il m’était venu, recommandé par Reclus. Ritzerfeld étant mort, je le pris pour m’aider.

Je ne l’avais accepté qu’à cause de la recommandation de Reclus. À première vue, il ne m’avait pas été sympathique. Mais, l’habitude aidant, cette impression s’était atténuée, quoique, parfois, il émettait des aphorismes plutôt effarants. Mais j’attribuais cela au besoin d’épater les gens. Et il y avait, je crois, beaucoup de cela. Ce fut lui qui me remplaça lorsque je fus arrêté.

Arrêté à son tour, ce ne fut qu’au procès des Trente que je le revis et que j’appris son vrai nom : Ledot, et qu’il avait subi une condamnation pour quelque indélicatesse dans un emploi qu’il tenait à la mairie de Bourges.

Tant qu’il fut avec moi, je n’eus jamais à m’en plaindre. Plus tard, paraît-il, il aurait été se vantant d’avoir écrit mon livre La Grande Famille. Rien de bien méchant.

Les attentats continuaient. Il y eut, entre autres, les vols de la bande Ortiz. Nous sentions, chaque jour, se resserrer le filet policier autour de nous.

Le 1er janvier 1894, Benoît me fit avertir que l’on était en train de perquisitionner chez lui, et que l’on allait monter chez moi. C’était Touny qui menait l’opération.

Ne gardant rien, selon mon habitude, brûlant les lettres au fur et à mesure qu’il y était répondu, j’eus vite fait de mettre au feu la demi-douzaine provenant du courrier du matin. Je n’avais qu’à attendre les roussins qui ne tardèrent pas d’arriver.

Après avoir fouillé un peu partout par acquit de conscience, Touny s’empara d’une boîte contenant les fiches