Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/151

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banales en vérité. Comme elles le furent presque toujours dans toutes les procédures à travers lesquelles j’ai eu à passer.

À un moment, alors qu’il représentait le bureau de la Révolte comme un nid de conspirateurs, je l’interrompis en objectant que, le moindre mouvement ne pouvant se produire dans Paris sans que, de suite, j’eusse une demi-douzaine de perquisitions à subir, il aurait fallu que je fusse le dernier des idiots pour tenter d’y faire de la conspiration.

À un autre moment, il lut un article que, sans aucune preuve — puisque les articles dans la Révolte n’étaient pas signés — il m’attribuait. Pas plus, du reste, que n’était signé l’entrefilet que m’attribuait Bulot et qui lui pesait si fort sur la conscience. Mais tout est bon contre son chien lorsqu’on veut s’en défaire. Du reste l’un et l’autre étaient bien de moi.

Quand je dis qu’il lut l’article, c’était, naturellement, des extraits habilement choisis et isolés du contexte. Aussi, lorsqu’il eut terminé sa lecture, je lui demandai de bien vouloir lire la suite. Car je me rappelais très bien l’article. Il fit signe qu’il ne possédait pas cette suite.

— Maître Saint-Auban va vous la lire, fis-je.

Mais Saint-Auban n’avait pas cru devoir apporter la collection de la Révolte que je lui avais fait passer. Je dus y suppléer de mémoire.

Je n’ai pas à refaire ici le compte rendu du procès. Tout le monde connaît les spirituelles reparties de Fénéon. Il n’y eut pas un seul défaillant. Tout le monde fut digne. Dans sa plaidoirie, Saint-Auban fut éloquent[1].

Parmi les témoins, défilèrent les notables de Ficquefleur, où Émile Henry et ses complices avaient fait une si belle rafle. C’étaient, le maire surtout, des spécimens de bourgeois bavards, vaniteux et prétentieux. Bulot, du reste, se paya leur tête d’une belle façon.

  1. Les deux plaidoiries de Saint-Auban ont paru dans le volume L’Histoire sociale au Palais de Justice, chez Pédone.