Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/159

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vai, mais l’autorisation de les recevoir nous fut donnée presque aussitôt. Je pus lire le récit de la dégradation de Dreyfus.

En lisant le compte rendu de sa dégradation, sa protestation d’innocence me frappa par l’accent de vérité qui s’en dégageait.

Mais ce n’était qu’une sensation. J’oubliai Dreyfus.

Comme je l’ai déjà dit, les hivers sont rigoureux à Clairvaux. Mais l’administration était généreuse. Nous avions autant de bois qu’il était nécessaire pour nous chauffer. Nous avions une immense cloche que nous bourrions et chauffions à force. Nous consommions trois énormes sacs de bois par jour.

Le directeur et l’inspecteur nous rendant visite un jour, constatèrent qu’alors que la cloche était chauffée à blanc, les fenêtres étaient toutes grandes ouvertes. Ils parlèrent aussitôt de diminuer la ration de bois, puisque nous étions forcés d’ouvrir les fenêtres. Mais nous leur fîmes remarquer que c’était par hygiène, et qu’il fallait forcer le feu pour combattre le froid glacial. La menace ne fut pas mise à exécution.

Nous avions droit à un bain par mois. Mais encore fallait-il en faire la demande au médecin de la prison.

Fortuné Henry ayant fini son temps, nous quitta quelques mois après mon arrivée.

Puisque le gouvernement me donnait des vacances, j’entendais en profiter pour remanier La Société au lendemain de la Révolution. Il en sortit La Société future.

Au journal il m’était impossible d’entreprendre un travail suivi, de longue haleine. En prison le temps ne manquait pas et ça faisait oublier la claustration.

Un jour, je fus appelé au greffe. Il s’agissait de Liard-Courtois. Mais j’ai oublié complètement quelles furent les questions qui me furent posées. Ce que je sais, c’est qu’il venait d’être condamné à Bordeaux, pour faux.

Or, le faux en question se bornait à ceci : Condamné pour délit de parole, il avait fait faux bond à la police et continué de donner des conférences sous le nom de Liard. Arrêté, cette fois, pour un nouveau délit de parole,