Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pendant que je m’occupais de mettre sur pied l’apparition du journal, un jour que je me rendais chez l’imprimeur porter la copie de circulaires, la concierge me remit, me voyant passer, une lettre, à peu près ainsi conçue, — j’en ai oublié les termes exacts — « Mme  Dembourg serait désireuse de vous voir. Elle est convaincue que, de cette entrevue, il en sortira un grand bénéfice pour la propagande des idées que vous défendez ».

Sans espérer la « forte somme », il me sembla que le libellé de cette lettre fleurait quelques billets de mille. Pour ne pas perdre de temps, sans prendre la peine de réfléchir et pour ne pas remonter mon cinquième, je courus au bureau de poste, achetai une carte-lettre, — ce qui, paraît-il, est contre toute étiquette — et répondis à la dame que j’étais à sa disposition, lui indiquant les heures où elle pouvait me trouver. Elle n’avait pas mentionné que c’était moi qui devait me rendre chez elle.

Mais je déchantai quand, par retour du courrier, je reçus le poulet suivant, que je reconstitue de mémoire :

Monsieur,

Mme  Dembourg est une personne âgée et estimable qui mérite quelque considération. D’autant plus qu’elle ne peut se déplacer que très difficilement. Ce n’est donc pas elle qui ira vous voir, mais vous qui devez vous rendre chez elle.

Suivaient des phrases d’un ton patronisant, que j’ai oubliées, mais qui me grattèrent les nerfs. La lettre évidemment, était d’un — c’était une, paraît-il — secrétaire, mais Mme  Dembourg devait en avoir approuvé le texte. Illico, je répondis :

Je suis bien forcé de débuter ainsi, puisque je ne sais si c’est un homme, une femme ou un Auvergnat qui m’écrit.

Dans votre première lettre vous m’auriez prévenu que Mme  Dembourg attendait ma visite, je me serais rendu chez elle volontiers. Mais, devant le ton protecteur de votre lettre, il est inutile qu’elle m’attende. Je n’ai rien demandé à Mme  Dembourg.

Je n’ai rien à lui dire.

Une semaine ou deux plus tard, à grands coups de tam-tam, Rochefort annonçait dans l’Intransigeant que, appelé par Mme  Dembourg, une excellente et charmante vieille