Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/180

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moyens de se défendre, je ne prêtai que peu d’attention aux arguments de B. Lazare. Cependant, la lecture de sa première brochure commença à me faire réfléchir, sans tout à fait me convaincre.

Lorsque arriva le « J’accuse ! » de Zola, sans être encore convaincu de l’innocence de Dreyfus qui, en tant qu’officier, continuait à ne pas m’intéresser, j’en arrivai à penser qu’après tout il était fort possible que la loi eût été violée à son égard. Il y avait tout de même à protester, au point de vue principe. J’écrivis à Zola pour le féliciter de son initiative. Lettre qu’il jugea bon de publier dans l’Aurore.

Je n’ai pas à raconter cette affaire qui souleva, dans le pays, tous ceux qui avaient en eux le sentiment de la justice, et mit également sur pied toutes les forces de la réaction.

De ceux qui se lancèrent, tête baissée, dans la bataille, combien risquèrent leur tranquillité, leur gagne-pain, rien que par amour de la justice ! Cependant, il faut bien reconnaître que si la famille Dreyfus n’avait pas eu de l’argent pour amorcer cette agitation, Dreyfus serait tout probablement encore à l’Ile du Diable.

Pour arriver à émouvoir l’opinion publique, il fallut trouver un Bernard Lazare qui osât commencer la lutte, et pouvoir faire les frais de l’impression des deux brochures, par lesquelles il commença l’attaque.

Il fallut fonder un quotidien, l’Aurore, pour appuyer cette campagne. Puis l’intervention de Zola.

Cette campagne donna lieu à beaucoup d’abnégation et de dévouement. Peut-être, de la part de certains politiciens, y eut-il un peu d’âpreté à la curée lorsqu’on eut chassé les réactionnaires du pouvoir, mais cela fait partie du système.

Même chez les anarchistes qui apportèrent leur entier concours aux défenseurs de Dreyfus, d’aucuns ne le firent pas gratuitement. Il y eut, d’abord, toute la basse fripouille qui a pour habitude d’encombrer les réunions, offrant en vente tous les imprimés qu’ils ont pu glaner à peu de frais. Ils pullulaient aux abords des réunions dreyfusardes, distribuant leur butin, le fourrant de force dans les mains : « Donnez ce que vous voudrez, camarades, c’est pour la propagande ».

Et comme ils étaient nombreux ceux « qui ne savaient