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Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/215

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la Préfecture de Police, se présenta dans nos groupes ledit Spilleux qui se faisait appeler Serraux.

Je ne me rappelle plus dans quelles circonstances il fit son apparition, ni quelles histoires de brigand il nous raconta. Toujours est-il qu’il nous proposa de fonder un journal. Il connaissait une vieille dame anglaise disposant de quelques ressources, et ne demandant pas mieux que de nous aider dans cette œuvre.

C’était au groupe des Ve et XIIIe que la proposition nous fut faite, Malatesta, Jeallot, moi et quelques autres camarades étant présents.

Dès l’abord, le bonhomme ne nous avait pas été sympathique. Dans l’ensemble de sa personne, dans son attitude, il y avait quelque chose qui clochait. Quoi ? nous n’aurions su le dire. Mais, en fin de compte, il nous était suspect.

Nous nous consultâmes et décidâmes de voir venir le type. Malatesta écrivit à Londres à un de ses amis. Plus tard, Brocher me rappela que c’était lui qui avait été chargé d’aller aux renseignements. La dame — l’imbécile avait eu la naïveté de nous donner l’adresse — existait bien, mais son genre de vie indiquait plus la misère que l’opulence. Certainement elle était hors d’état de fournir les fonds promis.

C’était coûteux à cette époque de publier un journal s’occupant de questions politiques. Il fallait fournir un cautionnement assez élevé pour Paris. On avait, il est vrai, un moyen de payer moins, c’était de mettre l’adresse du journal dans une localité d’un des départements de la banlieue, mais, encore, cela se montait au moins à 3 000 fr. et plus.

Nous avions décidé d’amener Spilleux à déposer le cautionnement à mon nom — je devais être le gérant — de lui faire payer les frais d’installation et de mise en marche, puis de l’envoyer promener, convaincus que nous étions d’avoir affaire à un policier.

Mais l’homme n’était pas si bête que nous avions pensé. Il avait ouvert les mêmes pourparlers avec E. Gautier qui, lui aussi, lui avait promis de lui fournir gérant et rédacteurs. Aussi lorsque je lui posai nos conditions, soupçonnant, je suppose, notre intention, ayant flairé nos suspicions, il se rabattit sur Gautier. Ils firent paraître la Révolution Sociale où collaboraient Gautier, Louise Michel,