Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/23

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de tort dans ses prétentions à être chef de parti. Peut-être est-ce une des raisons qui le firent piétiner si longtemps sur place, avant de décrocher un mandat.

Gautier était plus froid, plus méthodique, un orateur admirable lui aussi, quoique d’un autre style que Guesde. Mais il avait quelque chose de faux dans le regard qui, dès le début, ne me le rendit pas sympathique. Il combattait l’autoritarisme de Guesde, sans avancer aucune idée pouvant le classer comme un partisan de l’anarchie, quoique depuis longtemps, il eût fondé un groupe, appelé « Cercle du Panthéon » ou, aux initiés, il s’avouait anarchiste, mais jamais en public. Ce ne fut que lorsque Guesde l’eut définitivement emporté pour la direction du mouvement révolutionnaire qu’il se décida à faire publiquement profession d’anarchie.

De ce groupe faisaient partie Baillet, Urich, ouvrier cordonnier qui fréquentait les cours de la Sorbonne, que j’ai revu, ayant dépassé sa 80e année, toujours auditeur assidu de ces cours, et toujours alerte.

Au Congrès du Centre, nous avions eu l’agréable surprise de voir que nos idées étaient celles du Groupe d’études du VIe arrondissement, que nous ne connaissions pas. Les délégués étaient Lemâle, petit patron relieur, et Vaillat, ouvrier typographe, très intelligents tous deux.

Mais j’anticipe. En 1880, un réfugié russe, Hartmann, accusé d’avoir pris part à l’attentat du Palais d’Été contre le tzar, avait été arrêté. Il était question de le livrer à la police russe.

À cette époque, on pouvait émouvoir l’opinion publique, Ce fut un mouvement unanime d’indignation. Le gouvernement dut reculer. Il se contenta d’expulser Hartmann.

Entre temps, Guesde avait réussi à trouver des fonds pour faire paraître l’Égalité. Travaillant chez moi, je pouvais, lorsque c’était nécessaire, disposer de mon temps. Chaque semaine, j’allais aider à l’expédition du journal, avec Bazin, qui était trésorier.

Les rédacteurs, trop grands personnages, eux, pour mettre la main à la pâte, se contentaient de venir, l’un ou l’autre, voir comment ça marchait.