Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/237

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être lancées qu’avec l’argent prélevé sur le produit des « reprises » qu’elle fit. Mais lorsqu’on pense que quelques-uns de leurs vols dépassaient cent mille francs, on avouera que l’argent dépensé pour le mouvement était maigre.

Il me fut raconté que certains d’entre eux étant allés à Londres pour négocier les valeurs d’une de leurs opérations, s’étaient adressés à un vieux militant pour que celui-ci les mît en rapport avec quelque recéleur faisant cette sorte de trafic. Le camarade aurait, paraît-il, répondu que s’il acceptait de se mêler de l’affaire, il voulait que sur le produit de la transaction, une certaine somme fût versée pour la propagande. Ces redresseurs de torts auraient refusé, préférant aller se faire « estamper » par un autre trafiquant qu’on leur avait indiqué. Et, l’affaire faite, — toujours d’après les on-dit — ils auraient fait la fête avant de retourner en France.

Du reste, entre eux, ils agissaient ni plus ni moins que s’ils avaient été de vulgaires cambrioleurs.

Un jour, je reçus, d’un nommé Crespin, une lettre où il me disait qu’ayant des contestations d’intérêts avec Ortiz, il donnait à ce dernier rendez-vous au bureau du journal pour liquider leur affaire sous mon arbitrage.

Je mentirais en disant que je fus flatté de la confiance que me témoignait Crespin. Mais, comme il ne me donnait pas son adresse, que je n’avais pas davantage celle d’Ortiz, force me fut d’attendre leur venue.

Le jour dit, s’amenèrent les deux lascars. Girard, je crois, était avec moi.

— Il vous a plu de me prendre pour arbitre, leur déclarai-je, mais je ne tiens nullement à être mêlé à vos affaires. Puisque vous êtes ici, je consens que vous liquidiez le litige qui vous divise — ce fut une faiblesse de ma part — mais je vous déclare que si, plus tard, mon témoignage est réclamé, je déclinerai d’avoir rien connu de vos transactions, ni assisté à quoi que ce soit.

Et, avec Girard, nous retirant dans un coin de la pièce, nous laissâmes les deux compères faire leur petite affaire.

Ils sortirent des paquets de valeurs, dont il y avait bon nombre, parmi lesquelles des valeurs ottomanes que je remarquai à cause des caractères turcs. Ils se les parta-