Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/25

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qu’un ambitieux, savait jouer de l’air ascétique que lui conférait sa maigreur, de son air souffreteux, pour se donner l’apparence d’un apôtre.

Il posait pour l’homme malade, exténué. Comme disait cet autre : « Il avait toujours de grandes maladies, jamais de petite mort ». Sous le manteau, on faisait circuler des listes de souscription pour lui assurer un traitement de 300 francs par mois, dont la majeure partie — sans compter les extra-tapages — fut fournie par un nommé Vaidy, un brave type gagnant largement sa vie comme caissier chez un marchand de vins en gros.

Le 13 mars 1881, Alexandre II fut exécuté par les nihilistes, Cette exécution, suivie entre autres de celle de Trépoff par Vera Zassoulitch, eut une influence immense sur le mouvement anarchiste qui commençait à se dessiner en France.

Tous, plus ou moins — plutôt plus que moins — nous rêvions bombes, attentats, actes « éclatants » capables de saper la société bourgeoise.

Cette mentalité, du reste, exista dès l’aurore du mouvement. La lutte énergique menée contre le tsarisme par les nihilistes avait fortement influencé notre propagande. C’est sous cette influence que j’avais introduit la dynamite dans mon rapport sur l’action électorale au Congrès du Centre. La mort d’Alexandre II ne fit que nous pousser un peu plus dans cette voie.

Faire sauter le Palais-Bourbon, le Palais de Justice, la Préfecture de Police, c’étaient là nos buts et la possibilité en fut envisagée. Nous nous en pourléchions d’avance.

Au groupe du XIIe, il y avait un nommé Hénon, parent, je crois, au maire de Lyon, du même nom.

Vantard et bavard, il confiait, à qui le rencontrait, sous le sceau du secret, qu’il projetait de faire sauter le Sacré-Cœur. Tant et si bien qu’un beau jour le Figaro publia qu’un groupe d’anarchistes se proposait de dynamiter la basilique de Montmartre.

C’est une maladie qui n’est pas rare chez les révolutionnaires de ne pas savoir tenir leur langue.