Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/274

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insensé qu’imposait une paix armée ; qu’elle devait en fermer le cycle.

On avait entendu des soldats en service crier : « Vive l’Internationale ! » ; des officiers avaient exprimé leurs sentiments sur l’idiotie de la guerre et du militarisme, sur la nécessité d’en finir avec eux.

Vrais ou faux, ces propos indiquaient un état d’esprit. Si tous ces faits n’étaient pas authentiques, il y en avait, certainement de vrais.

Le dernier dimanche d’août, des camarades, au bureau, m’apprirent que les Allemands étaient bien plus près de Paris que ne l’avouaient les dépêches officielles. Le gouvernement croyait habile de cacher la vérité, alors qu’il ne faisait que créer une atmosphère de crainte et de suspicion, encore plus grande que si on avait été certain de la vérité.

Évidemment, nous étions sous la menace d’un siège ou, pis encore, d’une occupation.

En cas de siège, à Robinson, nous étions sous le feu des batteries du fort de Châtillon, du bois de Verrières et de Bièvres, sans compter les obus perdus des canons allemands. Même en cas d’occupation sans lutte, il n’aurait pas été prudent de rester.

Or, j’avais passé le siège de Paris, en 71. Je savais par expérience que la santé de ma femme ne résisterait pas aux privations qu’auraient entraînées le siège ou une occupation. Condamné à ne pouvoir rien faire, être à Paris ou ailleurs n’avait plus aucune importance. Nous décidâmes de nous rendre en Angleterre, chez une sœur de ma femme.

Le gouvernement lui-même, en remettant le soin de la défense de Paris à l’autorité militaire et en se réfugiant à Bordeaux, avait montré qu’il se désintéressait de la question, et prouvé sa volonté formelle de ne pas faire appel à la collaboration de ce qui restait valide de la population civile mâle.

Nos amis L. nous ayant offert de prendre chez eux tout ce que nous pourrions y faire transporter de ce que nous voulions mettre à l’abri, il se trouva, par chance, que celui qui nous achetait les invendus du journal vint voir s’il y en avait à lui céder. Il se trouvait avoir sa voiture et un vieux cheval qui avaient échappé à la réquisi-