Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/324

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Il y a, enfin, les tombolas. Elle rapportaient, en moyenne, deux ou trois mille francs. Je ne me rappelle pas au juste. Sauf pour la dernière dont j’avais gardé les comptes (qui fut la plus productive de l’année, 8 à 9 000 fr. environ).

Pour vingt sous on pouvait gagner des tableaux de Angrand, Agar, Bonnard, des médaillons de Charpentier, des peintures de Cross, Mme Cousturier, Van Dongen, Delannoy, d’Espagnat, Grandjouan, Hermann-Paul, F. Jourdain, Lebasque, Lefèvre, Manzana, Paviot, Pissarro père, L. Pissaro, Luce, Petitjean, Roubille, Van Rysselberg, Raieter, Steinlen, Valloton et Willette. Et je ne cite que les plus connus.

Au début, je m’étais inscrit pour un salaire de 150 fr. par mois puisque tout mon temps était pris par le journal. Je l’avais porté à 200 dans les dernières années. Mais c’était pour fixer un chiffre car je ne tirais pas cela du journal.

Les camarades qui m’aidèrent furent payés 40 fr. par semaine. Ce ne fut que dans les derniers temps que Girard fut élevé au haut chiffre de 60 fr. par semaine.

Voilà, résumé, le travail de 35 années de travail — en prenant notre point de départ de l’apparition du premier numéro du Révolté. 35 années de propagande, 35 années de lutte acharnée.

Et, aujourd’hui, que reste-t-il de tout cela ? Qu’est devenu le mouvement ?

Pour ainsi dire rien, ou presque rien. Nos idées, qui se répandaient dans tous les milieux, qui s’imposaient à tous ceux qui étaient capables de réfléchir, ont été brusquement arrêtées dans leur essor par le cataclysme de 1914.

Mais la boucherie de cinq ans de massacres, la fameuse « Déclaration » des seize, ne furent qu’une occasion, qu’un prétexte pour cette reculade. Sans doute, le sectarisme des uns, la vanité d’aucuns, et la basse rancune des éléments désorganisateurs envoyés parmi nous y contribuèrent pour une bonne part. Mais l’œuvre de désorganisation menée systématiquement et habilement par la police, avait, bien