Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/39

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Pendant ce temps, on arrêtait un peu partout : à Vienne, à Saint-Étienne, à Marseille, au Creusot, à nouveau à Montceau, à Autun, à Béziers. Enfin, à Thonon, arrestation de Kropotkine, qui s’y était réfugié après son expulsion de la « libre Helvétie » !

Cinquante-huit camarades qui, sans doute, n’avaient fait rien de plus que ceux qui furent relâchés, — n’est-ce pas le propre de ce genre de procès de rafler au petit bonheur, et de juger de même, — furent renvoyés devant le tribunal correctionnel de Lyon, sous le prétexte d’ « affiliation à l’Internationale » qui, depuis la féroce répression de 71, avait cessé d’exister en France. Il est vrai que ce prétexte valait tout autant qu’un autre. En réponse, une bombe fut lancée dans un établissement de nuit : l’ « Assommoir », où la haute gomme de Lyon avait l’habitude de se réunir. Une seule personne fut mortellement blessée. Les auteurs inconnus ayant pu s’échapper, ce fut une frousse indicible, que ne fit qu’accroître un nouvel attentat accompli quelques jours après contre un bâtiment de l’administration militaire, appelé la « Vitriolerie ».

La presse bourgeoise aboyait contre les anarchistes. Pendant un moment, il avait été question de l’arrestation d’Élisée Reclus, mais, comme il habitait en Suisse, les journaux en concluaient qu’il s’y était réfugié, à dessein. Élisée Reclus envoya au juge chargé de l’instruction du procès de nos amis la lettre suivante qui fut reproduite dans quelques journaux :

Monsieur Rigot, juge d’instruction à Lyon,

Je lis dans le Lyon Républicain du 23 décembre que, d’après l’instruction, les deux chefs et organisateurs des anarchistes internationaux sont Élisée Reclus et le prince Kropotkine, et que si je ne partage pas la prison de mon ami, c’est que la justice française ne peut me saisir au delà des frontières.

Vous savez pourtant qu’il eût été facile de m’arrêter puisque je viens de passer plus de deux mois en France. Vous n’ignorez pas non plus que je me suis rendu à Thonon pour l’enterrement d’Ananieff, le lendemain de l’arrestation de Kropotkine, et que j’ai prononcé quelques paroles sur sa tombe. Les agents qui se