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La tolérance est une belle chose, et honore ceux qui la pratiquent. Mais lorsque ça devient dangereux pour les autres, dans un mouvement traqué comme était le nôtre, cela prend un autre nom.

— C’est très bien, répliquai-je. Gardez Cabot, et l’imprimerie, moi, j’irai faire le journal où je n’aurai aucune responsabilité de ce genre.

Et je fis, dorénavant, composer le journal, chez Duval, l’imprimeur qui nous en faisait déjà le tirage.

L’imprimerie fut, plus tard, transportée à Bruxelles. Elle servit à éditer la série de brochures connues sous le nom de « Bibliothèque des Temps Nouveaux ». C’était Élisée Reclus qui était censé s’en occuper. Mais, avec sa trop grande confiance habituelle et son inaptitude à bien apprécier les hommes, il l’avait placée au nom d’un individu qui finit par la vendre pour son propre compte.

Pour ce qui est de Cabot, ayant été estampé par un individu plus individualiste que lui, il fut, m’a-t-on dit, dégoûté de l’individualisme et des individualistes.

C’était lui qui, sans rire, affirmait ne jamais aller à un rendez-vous, parce que ça aurait été aliéner sa liberté.

Après cela, on peut tirer l’échelle.

Eh ! bien, non. Il y a mieux.

Avant de disparaître du mouvement, Martinet avait fondé, avec d’autres types de son espèce, un groupe qu’ils baptisèrent « Groupe de l’amour libre ». Dans ce groupe, on devait, entre soi, échanger les femmes. Non content d’opérer entre eux, ils allèrent trouver un ex-ouvrier mineur, nommé C…, qui depuis peu, fréquentait les groupes et avait une femme assez gentillette.

Ils tentèrent de persuader l’homme et sa compagne qu’il était immoral et d’un mauvais exemple, de ne pas se prêter aux « frères et amis ». Que, depuis le temps qu’ils étaient ensemble, ils avaient besoin de changement, que, pour l’idée, ils devaient se choisir, chacun, un nouveau partenaire.

Trop ancrés dans l’erreur, C… et sa femme ne voulurent rien savoir. Bien leur en prit, car, paraît-il, l’existence du « groupe de l’amour libre » eut une triste fin : les membres — sans jeu de mots — ayant tous pris la syphilis. À chacun selon ses œuvres !