Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/76

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son honneur, mais en sociologie, en matière de propagande, on ne doit pas raisonner seulement par sentiment.

C’est parce que la société est basée sur le vol que nous voulons la refaire. Pratiquer le vol par d’autres moyens que ceux qu’elle autorise ou légitime, ne fait qu’ajouter à sa mauvaise organisation, et ne travaille nullement à sa transformation. Nous voulons une société d’où soit banni le vol. Ce n’est pas en le préconisant, ni en multipliant les voleurs que nous travaillerons à leur disparition, et que nous préparerons une société d’harmonie.

Élisée Reclus, je dois ajouter, ne préconisait pas le vol, mais il était trop tolérant, et avait trop d’excuses pour ceux qui le préconisaient.

« Nous n’avons à nous faire les juges de personne », était un autre de ses axiomes. Possible, encore, au sens général. Mais, lorsque, dans une lutte, des individus viennent salir les idées que vous défendez et les rendre répulsives à ceux que vous voulez convaincre, devez-vous, sous prétexte de liberté, qu’il ne faut se faire juge de personne, laisser accomplir la besogne de désagrégation que l’on tente de faire dans vos rangs ? Au demeurant, lorsque nous critiquons les institutions bourgeoises, ne nous posons-nous pas en juges ? Les vérités générales valent pour des généralisations, mais ne s’adaptent pas toujours à des cas particuliers et définis.

Dans un mouvement d’idées qui a tant de préjugés à vaincre avant d’être compris, il est du devoir de ceux qui luttent pour le faire triompher de combattre ceux qui, par bêtise, le dénaturent. Encore plus, lorsque ce sont des escrocs, des policiers qui tentent cette besogne.

Et les événements m’ont donné raison. C’est parce que nombre des nôtres ont trop bénévolement supporté le travail démoralisant d’un tas de fripouilles, en ne réagissant pas sérieusement contre la déviation individualiste, que nous avons été débordés par cette tourbe qui, aujourd’hui, tient le haut du pavé, faisant de son mieux pour détruire la propagande et entraver tous nouveaux efforts pour la remettre sur pied.

Plus tard, lorsque Reclus alla habiter la Belgique, je ne le vis plus qu’entre deux trains ou lorsque, de passage à Paris, il venait au bureau, ou à l’imprimerie, si c’était jour de tirage. Nous allions déjeuner dans un restaurant du