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LE CIMETIÈRE DE CAMPAGNE.

Par des textes sacrés nous enseigne à mourir,
Implorent du passant le tribut d’un soupir.
Et quelle ame intrépide, en quittant le rivage,
Peut au muet oubli résigner son courage ?
Quel œil, apercevant le ténébreux séjour,
Ne jette un long regard vers l’enceinte du jour ?
Nature, chez les morts ta voix se fait entendre ;
Ta flamme dans la tombe anime notre cendre ;
Aux portes du néant respirant l’avenir,
Nous voulons nous survivre en un doux souvenir.
Et toi, qui pour venger la probité sans gloire,
Du pauvre dans tes vers chantas la simple histoire,
Si, visitant ces lieux, domaine de la mort,
Un cœur parent du tien veut apprendre ton sort,
Sans doute un villageois, à la tête blanchie,
Lui dira : Traversant la plaine rafraîchie,
Souvent sur la colline il devançait le jour :
Quand au sommet des cieux le midi de retour
Dévorait les côteaux de sa brûlante haleine,
Seul, et goûtant le frais à l’ombre d’un vieux chêne,
Couché nonchalamment, les yeux fixés sur l’eau,
Il aimait à rêver au doux bruit du ruisseau :
Le soir, dans la forêt, loin des routes tracées,
Il égarait ses pas et ses tristes pensées :
Quelquefois, en quittant ces bois religieux,
Des pleurs mal essuyés mouillaient encor ses yeux.
Un jour, près d’un ruisseau, sur le mont solitaire,
Sous l’arbre favori, le long de la bruyère,