Page:Gregory - En racontant, 1886.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
EN FLORIDE

Comme nous n’avions point de chien de chasse en propre, nous engageâmes un nègre du nom de Joe qui devait amener avec lui un chien d’arrêt, qui, nous dit-il, était sûr pour pareil gibier.

Nous arrivâmes au camp sur les 9 heures du soir, et fûmes reçus par les gardiens de la prison de l’État, qui nous introduisirent dans la pièce préparée pour nous, grande chambre où logeaient dix ou douze des gardiens. On nous fit bientôt asseoir à une table abondamment garnie, et nous étions servis par un négrillon du nom de Charlie, à mine éveillée et portant l’accoutrement à rayures noires et blanches des détenus de la prison. Notre nègre Joe, d’un air chagrin, prit un siège, alla s’asseoir dans un coin, et se mit à pleurer à chaudes larmes, refusant toute nourriture. Il pleurait tant qu’il nous fit pitié. Nous lui demandâmes la cause de son chagrin, mais en vain ; nous ne pûmes avoir aucune réponse satisfaisante. Je fis signe à Charlie de s’approcher et de faire sortir Joe, afin de connaître le sujet de sa peine. Charlie fit comme je lui avais demandé et revint bientôt nous dire que Joe était sous l’impression que nous l’avions trompé ; que notre intention, en ramenant avec nous, était de le faire prisonnier, qu’il en était certain. Il avait de plus avoué à Charlie que deux de ses frères étaient au nombre des prisonniers du pénitencier où nous étions. Joe devait être convaincu d’une chose :