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EN RACONTANT

C’est à la station solitaire de l’île aux Oiseaux que les gardiens ont été le plus cruellement éprouvés. Le phare est perché sur un rocher carré de quelques centaines de pieds d’étendue. Pour y atteindre, il faut se servir d’une grue suspendue dans une boîte, et monter une hauteur de 120 pieds. Le premier gardien, après un séjour de deux ans, fut pris de folie par suite de la monotonie de son existence. Il fut remplacé par un homme très respectable, qui, au bout de neuf ans, s’étant un jour aventuré sur la glace, dans les environs, pour faire la chasse aux loups-marins, fut surpris par une tempête et périt avec son fils ; leurs cadavres n’ont jamais été retrouvés. Son successeur, un des gardiens les plus intelligents et les plus capables, ayant, par mégarde, allumé le feu à un quart de poudre, fut mis en pièces ainsi que son jeune fils et son assistant. Cependant, malgré ces malheurs, dès qu’une vacance a lieu, les demandes de remplaçants ne manquent pas, et ce sont invariablement des personnes possédant les qualités nécessaires pour se créer un avenir autrement.

Tout ce qui précède me remet en mémoire une aventure arrivée au marquis de Lorne lui-même, dans les parages du bas du fleuve, alors qu’il était gouverneur général.

Il y a quelques années, je visitais les côtes à bord du vapeur Druid, en compagnie de Son Excellence.