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EN RACONTANT

quant à M. Duhamel et moi-même, nous nous assîmes sur le paquet de filets.

Ah ! quelle expression de souffrance et de tristesse se peignait sur les traits de cette femme. Ses regards n’avaient plus cet éclat qu’ils reflètent quand l’espérance les anime. Sa figure, pâle et amaigrie, disait assez qu’elle était en proie aux horreurs de la faim et de la misère. Autant que j’en pouvais juger, elle avait dû être jolie et brillante en couleur à l’époque de ses beaux jours.

Elle était Écossaise, née à Glasgow, et pouvait avoir 35 ans. Elle était venue à Halifax visiter une de ses sœurs, employée comme gouvernante chez une famille riche de cette ville, avec qui les Jones avaient des relations commerciales. Quelque temps après son arrivée, le frère de Jones, qui passait pour un homme à l’aise et heureux en affaires, épousa cette sœur, ce qui lui donna l’occasion de leur faire une visite au Labrador, où, à son tour, elle fut mariée à notre pauvre Jones, son beau-frère.

Pendant plusieurs années ils vécurent heureux et dans l’abondance ; mais la fortune, jalouse, capricieuse et inconstante, avait depuis changé ce bonheur en désolation. Aujourd’hui, le spectre de la faim est là qui torture ces enfants et cette pauvre mère, qui a fini par tomber malade.

La famille se composait de neuf enfants, le plus âgé étant une fille de 16 ans. Venait ensuite un