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exemples-là. depuis le XII" jusqu'au XVI'^ siècle, l'époque favorite du romancier de VEnsorcelée. Avec tant d'an- cêtres, qui lui élaienl chers, l'absolutiste des Prophètes du Passé, tendant la main au peintre passionné dT/ne Vieille Maîtresse, n'eût jamais craint de se déclarer catholique « sans peur », sinon « sans reproche ».

Son « satanisme » est encore une des formes de son catholicisme et nous en fait sonder la profondeur. D'Aurevilly croit à l'existence réelle du Diable : il l'avoue explicitement dans la préface de ses JJiaboliqnes. Il ne faut donc pas chercher chez lui cette sorte de « péché de malice sans la foi, le plaisir de la révolte par ressouvenir et par imagination » (1), ce raffinement pervers qui fait trouver plus savoureux certains actes mauvais parce qu'ils blessent des croyances qu'on eut autrefois. Le satanisme de l'auteur des Diaboliques est le satanisme originel, celui de la chute de Lucifer, celui d'Eloa : c'est le cri de fierté d'une nature aristocratique qui se cabre : Nonserviam. Il est un des facteurs essentiels du catholicisme. On ne peut séparer Dieu et le Christ de leur mortel ennemi Satan. D'où il suit qu'un romancier catholique est tout naturelle- ment amené à peindre la passion, en révolte contre la Divinité, sous les traits de la possession démoniaque. Le Démon s'estefîectivement emparé des âmes qui ont cessé de vivre dans la grâce du Tout-Puissant.

Ainsi s'explique que nombre de héros de Barbey d'Aurevilly soient des « possédés », des « ensorcelés ».

(1) Jules Lemaitre. Revue Bleue du 23 juin 1887. les CotUeinpomms, 4. série. — Je suis d'accord sur ce point avec M. Lemaitre. Néanmoins, je dois faire remarquer qu'on trouverait sans peine des traces de ce safanisme-lk dans les œuvres de Barbey d'Aurevilly antérieures, à 1847, et notamment dans sa correspondance intime, dans les leUres au vicomte d'Yzarn-Freissinet, par exemple, dont j'ai cité plus haut quelques frag- ments.