Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/127

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produit par exception des effets inattendus? c'est l'inter- vention diabolique qui a disproportionné les causes et le résultai. Telle àme a passé tout à coup, sans transition, du culte de la vertu àradoration du vice? C'est le souffle empoisonné du denion qui l'a dévoyée. Le « Satanas ex machina » est, en vérité, trop apparent : il devient un prétexte, pour l'écrivain, à se dispenser d'approfondir ses sujets. Mais enfin on est catholique ou on ne lest pas ; et, si l'on ne trouve point mauvaise, en certains cas, l'influence céleste pour dénouer des situations embarras- santes, pourquoi se plaindrait-on de l'action infernale dans d'autres événements ? Et puis, si, malheureusement, en montrant le jeu des puissances mystérieuses qui s'agitent à travers le monde, on n'en rend pas compte d'une manière plausible, est-il prouvé que la psychologie la plus indépendante et la plus hardie ait fourni la raison naturelle de tous les faits anormaux qui nous stupéfient ou nous épouvantent ?

Je ne cherche en aucune façon à justifier les procédés romanesques de Barbey d'Aurevilly. J'aimerais mieux voir dans son œuvre plus d'étude psychologique et moins de miracles. Mais je me mets en garde contre les tendances de certains de ses critiques mal informés. Et je ne puis me résoudre à répéter, après M. Jules Lemaître, que le satanisme du romancier des Diaboliques « est, au fond, assez innocent ». Non, Son satanisme est de même essence que son catholicisme, à la fois fort et naïf. D'Aurevilly, on l'a constaté, a du moyen-âge la foi vigoureuse, violente même et aussi tout à fait simple. 11 croit à Dieu et au Diable, comme on y croyait alors, robustement et très sincèrement. Au moyen-âge, Satan avait un grand empire sur les esprits, à cause des sorti- lèges et merveilles de toutes sortes qu'on lui attribuait.