Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/164

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Dans Amaïdéc, même confusion ilo langage, même rayonnement de pierres précieuses au milieu du chaos des images les plus inattendues. Le portrait i\v Maurice deCuiériu, peint sous les traits de Somegod, donne excel- lemment ridée de ce style (lauihoyanl (>t arliliciel (lui tut celui des juvéniles essais de ,lules Barbey. r< ...Que ce lïit orgueil, oubli, force ou faiblesse, Somegod avait dompté les pensées de sa première jeunesse. Les passions trompées ou invaincues ne se trahissaient pas à ses lèvres dans ces languissants sourires qui ne sont plus même amers, tant ils disent bien la vie, tant on est allé au fond des choses! Nulle (lanime acre et coupable ne brillait dans ses longs yeux noirs, qui n'étaient som- bres qu'à force de profondeur, et que jamais la Volupté et le Doute, ces deux énervations terribles, nelui faisaient voiler à demi entre ses paupières rapprochées, regard de femme, de serpent et do mourant tout ensemble, — et que vous aviez, ô Byron » (1). Ici, la pensée no vaut que par le vêtement bariolé qu'elle porte; et, à vrai dire, elle ne vaut pas grand'chose, ni sa parure non plus.

Là Bagne cVAnnihal révèle un élément nouveau du style composite et unifié de Barbey d'Aurevilly: cet élément, c'est une sorte d'aristocratie dédaigneuse, impertinente et raffinée. Les strophes, qui se succèdent avec une furibonde précipitation d'images et s'entrai- nent les nues les autres dans un mouvement désordonné, témoignent certainement, en leur allure peu cohérente, d'un romantisme indigeste et relâché; mais c'est l'ironie du style qui en fait tout le prix. C'est d'un ton pincé de grand seigneur que le peintre de Baudoin d'Artinei jette en pleine société mondaine ses cruels paradoxes et

(1) Amaïdée, p. 12 (éd. Lumcnc, 1890).