Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/196

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maîtresse pièce du tir de la pensée : les images l'en- flammeut et la mettent en feu.

Il est aisé de faire loucher du doigt, par de nombreux exemples, la manière de Barbey d'Aurevilly. On la peut saisir sur le vif aussi bien dans Lca que dans Aindiclêc, dans les Diaboliques ou dans Ce qui ne meurt X)as.yo\Q\ des vers d'extrême jeunesse, où elle se manifeste déjà très sensiblement.

I)él)oiiclcz-les, vos longs rhcvcux de soie.

Passez vos mains sur leurs loufles d'anneaux,

Qui réunis empiSchent qu'on ne voie

Vos longs cils bruns ([ui font vos yeux si beaux !

Lissez-les bien, iiuis<|ue toutes pareilles

Néglii-'cniinent deux boucles retombant

Roulent autour de vos blanrbes oreilles,

Comme autrefois, quand vous étiez enfant,

Quand vos seize ans ne vous avaient quittée

Pour sen aller où tous nos ans s'en vont !

Kn nous laissant dans la vie attristée

Un cœur usé plus vite que le front !

Ab ! c'est alors que je vous imagine

Vous jetant toute aux bras Je l'avenir,

Sans larme aux yeux et rien dans la poitrine...

Rien qui vous fit pirurer ou souvenir !

Ah ! de ce temps montrez-moi (luelque chose

En vous coiffant comme alors vous étiez ;

Que je vous voie ainsi, que je repose

Sur vos seize ans mes yeux de pleurs mouillés (1).

Ici, l'art est presque nul, il se vante do ne point paraître. Ce sont à peine des vers, que cette série mal agencée de rimes insuffisantes et banales, dont le seul intérêt réside dans la pensée qui les anime. Et, malgré

(1) Poussières (éd. Lemerrc, 1897), p. lit et 20.