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des dates de senliinciil ilaus ma vie. On l(>s iiioiilre à vingt-cinq personnes qu'on aime, et voila tout ! Du moins ce sera tout pour moi ». 11 disait (Mieore, le 'X) novembre de la même année : « (Vesl lon,^- d(^ fillrei* toute son ame et d'en faire deux ou liois notes bien conccMitroos, — espèees de llacoiis sNcllrs et lins, comme ces (bicons d'ess(Miees de l'oscs qui viennent du serail, mais ijui renl'erment, au lieu de roses, du sang caillé ». Et le 18 février 1852, il parle une (ois de plus de « ces vers saignants auxquels convient mieux peut-être une bordure d'obscurité et de mystère que la lampe allumée et embrasée d'un commentaire >^. Aussi n\ivait-il pas tort d'appeler ses poésies « des gouttelettes de sang ».
Il eu eût pu dire autant de ses poèmes en prose, ses Rythmes Oublies, bien que, n'étant pas gêné par la rime, il y apportât un plus grand souci d'art. Mais depuis Amaidéc et Niobé jusqu'à son admirable Laoccxni, on devine que d'Aurevilly est plutôt hanté du culte de la pensée que du soin de lexpression. Les sept premiers paragraphes de Laocoon ne sont (lu'uno série d'images éclatantes qui préparent pour les trois dernières strophes le coup de tonnerre d'une idée profonde et noble. Après avoir raconté en un style prestigieux le supplice des enfants de Laocoon, le poète s'écrie : « Nos fils, à nous, Laocoon ! ce sont nos pensées, nos espérances, nos rêves, nos amours, devenus avant nous les victimes de la destinée, la pâture de ces serpents maudits qu'on n'aperçoit se glisser dans la vie que (juaiid ils se glissent dans nos cœurs et qu'il n'est plus temps de leur échapper ! Et à nous aussi, comme a toi, Laocoon, le sang de nos rêves immolés semble plus cruel et plus envenimé que tous les autres poisons qu'on fait couler dans nos bles- sures ! Nous sommes tous pères de quelque chose qu'il