Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/231

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esprit et la profondeur de sa plaisanterie » (1). Il est « toujours jeune de l'éternelle nature humaine, dans ses œuvres : cette nature humaine qui fait son immorta- lité ». (2) De son génie sont devenus tributaires tous ceux qui ont touché à la comédie : il est le père intellectuel de Regnard, de Marivaux et de Beaumarchais. Entre les chefs-d'œuvre de Molière, Barbey d'Aurevilly a un faible pour Tartufe. « Toutes les autres pièces, — dit-il, — noircissent plus ou moins sous l'action du temps, qui y met cette estompe qui sied mal aux statues et dont leur marbre ne les défend pas... En reculant dans le passé, le chef-d'œuvre n'en est pas moins visible, et peut-être l'est-il davantage ; peut-être sa majesté de chef-d'œuvre gagne-t-elle encore à cette vieillesse ; mais la vivacité de l'impression diminue... Ce n'est plus le coup de foudre, ce soulèvement de nerfs du premier moment. Seules, parmi toutes les comédies de la scène française, Tartufe et le Mariage de Figaro le donnaient à point nommé, toujours, et même quand les passions qu'ils tisonnaient dans nos cœurs s'étaient amorties. Depuis que l'impé- rieuse décence du siècle de Louis XIV, qui forçait les coquins à l'hypocrisie, s'en est allée comme un vêtement déchiré,... Tartufe excitait toujours, lorsqu'on le jouait, le même enthousiasme, et réveillait toujours les mêmes échos dans tous les cœurs, les mêmes applaudissements dans toutes les mains ». (3)

Moins sujette aux controverses de l'opinion, l'immor- telle renommée du grand poète La Fontaine est aussi solidement assise que celle de Molière. Bien mieux; ce

(1) Les Poêles, 2' série, p. 226.

(2) Théâtre contemporain, t. 4. p. 278.

(3) Ibid. p. 100 et 101.