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Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/253

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qu'ils aimaient à accoinpagiier leurs discours, et le silence pèse sur tous ces débris d'un poids égal. Il en sera de même, n'en douions pas ! de toutes les (euvres que la vérité ne soutient pas de sa pure et forte subs- tance. Même les grandes passions d'une époque n'éter- niseront point ce qu'on appelle, quelques jours, de l'éloquence et ne feront pas comprendre que. c'en était. Ainsi, déjà, pour qui sait juger, l'éloquence de Mirabeau n'est plus qu'un grand éclat de lave figée et vide, qui se creusa en bouillonnant, mais le largo ruissellement de son passage, qu'on suit encore avec étonnement sur la poussière contemporaine, finira bientôt par s'effacer. J'oserai le dire : Mirabeau sera, un jour, réduit à peu de chose, quand on se mettra résolument en face de ses œuvres oratoires et qu'on n'aui'a plus la vue ofï'usquée et la tête courbée par les événements de son siècle. La vérité donc, la vérité! telle est la vie qu'il faut couler dans ce beau moule de l'art oratoire, si l'on ne veut pas qu'à la longue il se brise comme un plâtre creux ». (1) On sait de reste ce que Barbey d'Aurevilly entend par « la vérité » : c'est sa vérité, à lui, puisée dans les dogmes sociaux et religieux du moyen-àge.

Ainsi, aux regards de l'apologiste des Prophètes du Passé, le X Ville siècle aurait fini assez misérablement, si on ne le considère que dans la rue, dans les assemblées délibérantes, au théâtre et même dans les salons. Par bonheur, une noble voix s'éleva au milieu du chaos universel, près de la tombe où allait s'ensevelir ce qui fut l'antique société française : c'est un immortel chant du cygne, victorieux des hasards de la destinée et se

(1) Les Philosophes ef. les Écrivains religieux, 2' série (Frinzine, 1887), p. 317 et 318.