Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 317 —

Tête pâle de raa Chimère Dont j'ai, sans la comprendre, adoré la jiàleur. Tu joins donc maintenant à ce premier mystère

Le mystère de ta roui.'-uur ! Le vermillon soudain qui te prend au visasre. Quand, ce visage aimé, tu le tournes vers moi. Est trop brûlant, trop noir, et roule trop d'orage. Pour être de ton sang, ma Chimère au cœur froid. Aussi bien, le voyant, je me dis et je croi Que c'est mon propre sang qui passe et monte en toi ! (1)

C'est par de telles œuvres, bien plus que par les longs romans et les nouvelles, où Barbey d'Aurevilly croyait avoir assis sa renommée future, que le poète de Pous- sières a fait sillon dans la pensée contemporaine. Il a dégagé des brumes romantiques de sa vingtième année ce symbolisme profond et audacieux, qui ne recule ni devant l'éclat des images ni devant la hardiesse des idées. Et ce même symbolisme a donné un reflet de poésie lumineuse et douce à ses tendances réalistes qui sans cela eussent aliéné au peintre de V Ensorcelée, trop violemment aristocratique et catholique, bien des sym- pathies d'esprit et de cœur. D'un mot, son symbolisme psychologique et sentimental l'a sauvé des excès de son romantisme empanaché à outrance et de son réalisme emprisonné dans les doctrines du passé. Et l'admiration des «jeunes », tourmentés d'inquiétudes confuses, broyés par la vie et cherchant dans l'idéal des symboles' un refuge contre les misères du présent, l'a vengé des dédains de certains romantiques et de la plupart des réalistes.

Mais ce côté si captivant de la physionomie de Barbey d'Aurevilly ne pouvait être aperçu ou seulement deviné

(1) Poussières (éd. Lemerre, 1897), p. 83.