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moderne ; la mode y joue un grand rôle, le Jargon n'y est pas étranger. Uaiiteur fait preuve d'assez de fonds et de talent propre, pour devoir se débarrasser au plus vite de ce qu'il y a d'étrange et de passager dans ces dialectes qui ne durent qu'une ou deux semaines ; il peut, en étant plus simple, prétendre à des succès durables. Il y a des scènes charmantes, le moment, par exemple, où M™^ d'Anglure, la femme volée, entre à l'improviste chez sa rivale pour lui reprendre Tamant déjà tombé à ses genoux et qui n'a que le temps de se relever. M'"' d'Anglure, douce, pure, aimante, espèce de beau camélia blanc élancé, un peu sotte, disent les méchants, mais passionnée, est une heureuse figure. Elle meurt de douleur. Sa brune et flère rivale, M'"^ de Gesvres, est un peu trop peinte en panthère et a trop de ccunh)'iircs ; faite comme elle est, et fait comme l'est aussi M. de Maulévrier, on ne comprend pas pourquoi, tout en croyant Tamour impossible, ils n'en poussent pas l'expérience jusqu'au bout; c'est là, dans la conclusion de la nouvelle, une grave invraisemblance. Je soupçonne l'auteur, qui m'a l'air très expérimenté, d'avoir dissi- mulé à cet endroit et de n'avoir pas voulu tout dire. Quoiqu'il en soit, il amuse, il intéresse, il impatiente quelquefois par excès de trait et d'esprit, il n'ennuie jamais ».

L'article n'est pas signé ; mais, à certaines caresses d'expression, à certain « velouté » de style, on n'est pas éloigné de reconnaître la main de Sainte-Beuve, — du Sainte-Beuve d'avant le second Empire. Toutefois, il est difficile de déchirer avec assurance le voile de l'ano- nymat où s'est caché le critique. Je ne crois pas que Barbey d'Aurevilly fût alors en relations assez suivies avec le maître des Lundis pour qu'il eut chance d'arra-

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