Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/329

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• Ne pouvant compter sur la criliquc officielle, Barbey d"Aurevill_y n'avait comme suprême ressource que la libre critique des esprits qui ne s'étaient point embrigadés dans quelque Revue ou affiliés à quelque cénacle. Il avait connu et aimé Sainte-Beuve aux beaux jours des juvéniles ardeurs romantiques : il espérait en lui. Une autre âme très indépendante l'avait également séduit: c'était Lerminier, moraliste profond et avisé psycho- logue. Mais Sainte-Beuve n'entendait pas déranger l'ordre inflexible de ses tra\aux. fiit-ce pour parler d' Une Vieille Maîtresse ou de V Ensorcelée ; et Lerminier était surmené par une incessante collaboration à plusieurs périodiques. Le premier ne consacra que quatre mots aux Prophètes du Passé {i), et le second fît attendre jusqu'en 1850 une étude d'ensemble sur l'œuvre de son ami.

Entre temps, le Dandy Barbey était devenu catholique. Il semblait que la faveur du parti clérical et des feuilles religieuses dût lui être dorénavant acquise. Il n'en fut rien. Ni les intransigeants de l' Univers ni les « libératres » du Corresjjondant ne lui firent accueil. Longtemps même ils parurent ignorer son existence. Finalement, le comte de Pontmartin l'accabla d'injures, et Louis Veuillot, plus prudent peut-être et en tout cas plus poli, lui fit in petto de rares avances et force salamalecs, quitte à l'éloigner insensiblement du sanctuaire où il ne fallait qu'un grand- prêtre. N'y avait-il donc place nulle part pour d'Aurevilly, — ni à droite avec ses coreligionnaires, ni au centre avec

(I) S.u.NTE-Bi-Lvi:. Causeries du lundi, t. IV, jj. 447 et 448. Lundi 18 août 18ol. — Voici les quatre mots saillants de l'article de Sainte- Beuve : « Un ('jcrivaiii d'une plume brillante el vaillante prend hauteuient le parti de ceux qu'il appelle les Prophètes du Passé. »