Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/331

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invité par les amis de la morale publique à saisir au collet l'auteur d'un certain livre étonnamment risqué qu'on appelle Une Vieille Maîtresse, je me tiens assuré qu'il ne prendrait en main ni la croix, pour mesurer la dose du vrai christianisme répandu dans les pages de ce joyeux roman, ni l'épée, pour frapper la main qui les a écrites » (1). Et comme ce n'est pas assez d'un feuilleton si l'on veut pénétrer la substance de l'œuvre, Rigault avec complaisance en consacre un second au même sujet : « La composition de cet ouvrage, écrit-il, date de quelques années ; sa réputation date de quelques semaines, du jour où l'auteur a pris le g'iaive, la balance et la croix, pour devenir le Pierre l'Ermite de la critique autoritaire et catholique. Des curieux ont cherché les antécédents de ce preux et de ce chrétien, et ont découvert son roman jusqu'alors à peu près ignoré : c'est un vieux hvre encore nouveau... Le seul but de ce livre... c'est la volonté d'analyser les causes secrètes de l'empire illimité d'une vieille maîtresse, d'approfondir un mystère de sensuahté, de trouver des images et des métaphores amoureuses, émanées de la moelle épinière, pour expri- mer toutes les nuances des idées impures. Ajoutez-y des raffinements inouïs : une affectation effrénée d'euphuisme et de dandysme, une prétention aristocratique au bel air, aux façons galantes, à la gentilhommerie du ton et du langage ; et, pour dernière perfection, un scandaleux mélange de religiosité et d'érotisme ; des génuflexions pieuses devant la madone, au sortir d'un récit graveleux ; des citations séraphiques de saint François de Sales à côté des souvenirs lascifs de Louvet et de Grébillon fils.

(1) H. PiiGALLT, Journal des Débals, 21 janvier 1858 (Conversations lilfe'raires el morales, p. 105. — Charpentier, éditeur).