Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/71

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Altaï essayant de réhabiliter par raiiiour une femme tombée aux pires abîmes de la passion; dans V Amour Impossible, Bérang-ère de Gesvres et Raimbaud de Maulévrier tachant vainement, durant les longues heures de leur oisiveté stupide, de réchauffer mutuellement leurs sons engourdis et d' « émoustiller» leurs épidermes ininflammables ; dans Geruiaine, la comtesse Yseult de Scudemor se donnant par pitié aux ardeurs juvéniles d'Allan de Cynthry et livrant ensuite sa propre fille aux ivresses délirantes et toujours mal satisfaites de cet amant irrassasié. Voilà, à coup sûr, de « nobles » occu- pations pour de « nobles » personnages désoeuvrés, à qui les loisirs ne servent qu'à se « détraquer >/ la cervelle et ce qu'ils osent appeler leur cœur. Et sur toutes ces aventures passe comme un souffle de mort qui annonce la décadence d'une société et présage des catastrophes inévitables. Ce souffle de mort, d'Aurevilly le déchaîne en ouragan à travers ses livres: c'est l'Ironie, — l'ironie, enfant naturelle de l'orgueil, fille perdue d'une aristo- cratie inutile, rejeton gâté, dégénéré et maudit, d'une vanité qui se croit tout permis, — l'ironie, qui naît du désœuvrement, de l'impossibilité de créer et de l'impuis- sance d'aimer et qui, maniée par des doigts souples n'ayant jamais travaillé à un labeur profitable, devient une arme terrible autant que déloyale. Toute une société y révèle ses pauvres mérites. Ce à quoi elle aboutit, c'est à la fatuité d'un Brummell. On y saisit sur le vif la fin d'une race qui fut grande.

Mais, à côté de ces pervertis blasés, on aperçoit bientôt un autre échantillon de la noblesse. C'est une noblesse encore vivante ou qui du moins fait des efforts pour vivre. On la voit s'agiter, dans Une Vieille Maîtresse, avec Ryno de Marigny, Hermangarde de Polastron, la