Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/89

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l'adresse des uges révolus : ce serait détourner les louanges de leur vraie direction, les dérober à leur unique destinataire, le passé, les enlever à la seule grandeur historique qu'un Chouan reconnaisse : l'ancien régime. Le présent, voilà l'ennemi. Pas do quartier ! sus aux barbares démohsseurs du « bon vieu.\; temps » ! Tel est le cri de guerre du farouche Barbey ! Ainsi, il a pu se croire encore un soldat. De sa plume, ila fait une épée, et il est parti en croisade contre la Révolution victorieuse. 11 a recommencé à sa manière les aventu- reuses expéditions du chevaher Des Touches.

Ses articles dé critique lui ont surtout fourni l'occasion très fréquente de témoigner son aversion aristocratique pour le grand mouvement populaire de la Révolution française. Depuis 1789, rien ne trouve grâce aux yeux de ce justicier impitoyable, si ce n'est l'absolutisme du premier Empire; personne ne désarme sa sévérité, si ce n'est Napoléon. Le XIX« siècle lui semble, par excellence, le siècle de la faiblesse et delà pusillanimité. Or, d'Aurevilly n'a qu'une idole: la force. Déjà, dans son Mémorandum de 1836, il écrivait: « On n'a jamais tort de réaliser ce que l'esprit a jugé bon, et il faut rougir des mots probité et conscience s'ils ne signifient que des erreurs de juge- ment. En morale, le Génie justifie tout » (1). On devine à quels excès politiques cette maxime pourrait mener: elle légitime l'absolutisme intégral et implacable. Mais, si l'on y veut voir seulement une boutade de jeune homme ou un paradoxe de journahste, qu'on médite cette autre parole de l'auteur de Ce qui ne meurt pas : « La force, — la plus belle chose qu'il y ait dans le

(1) Mémorandum de 1836. — 10 Noveml)re 1836 (éd. Lenierre, 1900).