Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, essai d’une bibliographie générale, 1904.djvu/13

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Il détestait ces formalités démocratiques, tout aussi qu’il se refusait à produire son propre état-civil. Il n’aimait pas plus les rides sur ses travaux que sur son visage.

D’autre part, il avait la prétention de juger on bloc les Œuvres et les Hommes du XIXe siècle. Dès lors, il ne lui déplaisait point peut-être de laissera penser que toutes ses études étaient reliées entre elles par des liens plus solides que le hasard de leur rapprochement. Il ne voulait pas surtout (il le dit expressément) qu’on y vit apparaître « le fil du brocheur ». Mais il ne savait pas qu’il n’y a rien de plus factice qu’une unité recherchée à tout prix et que le « bloc », surtout pour un esprit critique, est la chose du monde la plus artificielle et la moins sincère.

Les intelligences de notre époque, qui ont le souci d’une méthode vraiment scientifique, rejettent tout appareil de convention et ne s’en tiennent qu’à la réalité des faits. Elles ne s’étonneront pas de voir en 1880 un d’Aurevilly différent du d’Aurevilly de 1840. Elles s’étonneraient plutôt qu’en un aussi long laps de temps l’auteur des Œuvres et les Hommes fût toujours demeuré identique à lui-même. Elles aimeront à le considérer à tel ou tel instant précis de sa carrière. Par delà ce qu’il a voulu et imaginé, elles le verront tel qu’il fut, elles rechercheront ce qu’il a été.

C’est dans ce sentiment que j’ai feuilleté la collection volumineuse des nombreux journaux auxquels Barbey d’Aurevilly a collaboré. Je l’y ai surpris, à divers moments de son existence, à ses débuts dans la poésie, dans le roman et dans la critique, comme aux suprêmes manifestations de son infatigable énergie intellectuelle.