150 PETITS POEMES
« O toi dont la douleur a trempé le génie.
Réponds, et ne crains pas de me faire souffrir :
Est-ce un repos d’une heure, ou bien notre agonie ?
« Hélas ! je sais qu’un jour la France doit périr.
Longtemps j’ai repoussé cette pensée horrible,
Qui me fit tant de mal que je crus en mourir.
« Longtemps, comme Jacob des récits de la Bible,
Je luttai seul à seul, d’un bras désespéré.
Sous l’étreinte de fer de ce spectre terrible.
« Il a vaincu. Je sais qu’ici rien n’est sacré,
due le temps détruit tout dans ses métamorphoses,
Qu’il vient sur notre cœur prendre un être adoré
« Pour mieux faire pousser les ronces et les roses.
Et que, sans nul souci de nos déchirements,
Son niveau destructeur s’étend sur toutes choses.
« Qu’il accomplisse donc son œuvre de tourments !
Mais toi, sur qui l’oubli ne peut avoir de prise.
Toi, pour qui l’avenir est sans étonnements,
« Et dont l’œil, désormais sans trouble et sans méprise,
Contemple aux purs rayons du céleste séjour
La vérité sans voile au fond des cieux assise,