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de Charlemagne et de Roland[1], mais encore à commencer l’attaque et à ouvrir le combat.

De curieux détails sur la profession des ménétriers qui suivaient les armées, et principalement celle de Guillaume le Conquérant, sont racontés par Geoffroy Gaimar, poète anglo-saxon du xiie siècle[2], et par Augustin Thierry : « À la bataille d’Hastings (14 octobre 1066), dit ce dernier[3], un Normand, appelé Taillefer, poussa son cheval en avant du front de bataille et entonna le chant, fameux dans toute la Gaule, de Charlemagne et de Roland[4]. En chantant, il jouait de son épée, la lançait en l’air avec force et la recevait dans sa main droite. Les Normands répétaient ces refrains en criant : Dieu aide ! Dieu aide ! »

Robert Wace rappelle le même fait :

Taillefer ki molt bien cantoit
Sur un caval ki tost aloit
Devant ax s’en aloit cantant
De Karlemaine et de Roland
Et d’Olivier et des vassaus
Ki morurent à Rainscevaux.

(Roman du Rou.)

Les tours d’adresse du ménestrier Taillefer ont été représentés sur la tapisserie de Bayeux, dite de la reine Mathilde.

Le ménestrel Berdic, ainsi que plusieurs autres, accompagnaient également Guillaume le Conquérant.

Mais les ménestrels n’excitaient pas toujours les guerriers,

  1. Pour cette chanson, voir Kastner, Manuel général de musique militaire, p. 65, renv. 3, et pp. 72, 73 et 74.
  2. Histoire des Rois anglo-saxons, qui se trouve au Museum Britannicum. Voyez Roquefort, État de la poésie françoise dans les xiie et xiiie siècles, p. 83 et 84.
  3. Augustin Thierry. Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands, t. i. p. 213.
  4. On connaît l’anecdote du roi Jean II dit le Bon, qui, à la bataille de Poitiers, en 1356. ayant entendu un soldat chanter cet hymne au moment même où l’action allait s’engager, lui dit : Il y a longtemps qu’il n’y a plus de Roland. Ce à quoi le soldat lui répondit : Il y a longtemps aussi qu’il n’y a plus de Charlemagne.